27 December 2020 | Jean-Charles Hoffelé | ARTAMAG' - Focus | Le disque du jour | Sergio Fiorentino - TERRE PROMISE «[...] Les accidents de la vie le forcèrent à ce retrait, mais on vint le chercher, sa légende n’était pas morte, Aldo Ciccolini lorsque je lui demandais sans impertinence un jour chez lui à Asnières qui était le plus grand pianiste italien vivant, me répondit du tac au tac : « Fiorentino ». [...] Un prodigieux concert Chopin à Newport en 1997 le montre d’une fantaisie et d’une élégance folle, ce piano-là est d’un autre temps, et c’est un éden. La joie le transfigure comme dans tout ce qu’il égrainera sur des scènes plus ou moins prestigieuses, et sur des pianos qui sont ce qu’ils sont mais ne résistent pas à qui les aime autant. Ecoutez comment il se débrouille de celui du Breakers de Newport, au clavier un peu lourd pour les Métamorphoses symphoniques que Leopold Godowsky fait subir à Johann Strauss ; l’année suivante, pour le récital Chopin, il sera mieux réglé). [...] Au long de ses concerts, Sergio Fiorentino égrène son répertoire de prédilection, la Deuxième Sonate de Scriabine, des Rachmaninov saturés de couleurs dont une Deuxième Sonate qu’il paysage dans le plus profond de son piano, la si bémol de Schubert au trille de rossignol (car les rossignols chantent dans le grave), des Valses de Brahms, choisies parce qu’aimées, et des raretés qui pour lui étaient monnaie courante, comme le Thème et Variations de Tchaïkovski, et même comme au débotté, le Quintette avec vents de Beethoven, ou le Quintette de Franck. [...] Mais ses Adieux et son Opus 110 de Beethoven, sa Fantaisie de Schumann, rappellent qu’il regardait l’essentiel du répertoire de son instrument en n’en sachant tout, et qu’il le jouait ainsi, avant, avec l’élégance d’un prince, jusqu’à promener ses doigts dans les fantaisies d’ivoire et d’ébène des Valses du Rosenkavalier qu’il s’était arrangées pour lui, en reprenant la transcription de Singer pour la pimenter de personnages. [...] Tout cela est ici, enclos dans cette boîte parfaite, patiemment ouvragée par Emilio Pessina, et je l’en remercie. »
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